La peinture de Pascale Carrier est matiériste, mais pas que … traversant l’infiniment grand ou l’infiniment petit par touches fluides ou grumeleuses. La ligne ne veut pas cerner complètement. Elle préfère rester dans son doute suspendu. Un trait sera parfois l’écho d’un trait. Un geste en balaiera un autre. Apparaissent une roche friable, un galet renfermant quelque secret. Du sable fuyant dans le vent. Poussière au bord de l’effacement. Brumes fantastiques. Fumées toxiques. Combustion par choc des éléments.

Ou peut-être voyons nous déjà les lueurs lointaines d’étoiles éteintes. D’inquiétantes nébuleuses. De couleurs mêlées. De novas masquées par quelque astéroïde fantomatique.

La résistance du papier étonne quand la touche devient salissure, contamination. Vivant translucide. Visqueuses créatures des profondeurs. Se déplaçant par lentes ondulations ou se dérobant furtivement au regard. Ces coulures orientées figureront pattes d’araignée ou brindilles desséchées.

Voici un tronc déjà fossilisé. Et ce métal rouillé de quelque épave oubliée rejoint lentement l’élémentaire.

La main veut accepter sa maladresse. Voudrait elle frôler parfois l’inconscient ? Son mouvement devient maintenant circulaire, referme en une coquille, une cellule, un microcosmos vibrionnant. Les touches verticales frottent le pigment, le maltraitent pour le faire parler. Quand la couleur s’évanouit dans la trainée. Quand le rouge est devenu voile déchiré. Pour ceux qui encore voudraient que la peinture soit un aimable passe-temps, qu’ils sachent qu’elle est violence.

On était sûrs de voir là une bulle tremblante dans l’air glacé, ou une giclure prisonnière un instant de quelque apesanteur. Mais pourtant quelle magie révèle soudain un paysage si familier, qui était il semble déjà dans notre esprit ?  Combien de choses se superposent, quel nom donner encore à cette couleur qui change selon l’heure et l’humeur du jour ?

Christophe Montarras